Louis Skipwith

Couvent Magenta par Hervé Perrin et Laurent Martin. 1995.

Lors de ma dernière année d’étude, Hervé Perrin m’a conseillé la lecture du livre de Junichiro Tanizaki intitulé « Éloge de l’ombre », publié en 1933, dans lequel l’auteur juge néfaste la manie de propreté des occidentaux ainsi que l’usage trop important qui est fait de la lumière. En réponse à l’occidentalisation naissante du Japon, il revendique dans cet ouvrage une patine naturelle des objets et des matières tout en défendant une esthétique de la pénombre.

En visitant le couvent imaginé par les deux architectes, on se rend vite compte que cette leçon a été bien intégrée tant le projet met à l’honneur cette fameuse esthétique de la pénombre et prône, en creux, un usage juste de la lumière. Fait principalement de béton, agrémenté de bois et de métal, le projet porte aux nues ces matériaux qui lui confèrent une esthétique chaste et sans maquillage. Chaque banche du béton a été choisie avec soin pour l’emprunte qu’elle laisserait, faisant naître des murs aux variations imparfaites et uniques, habillés seulement des ombres qui se projètent dessus le temps de quelques heures. En résulte une sobriété certes austère mais nullement froide, de laquelle découle une sensation de plénitude et de justesse. 

Dans son expression plastique, le couvent utilise des formes simples. Des cylindres pour les escaliers, des lignes courbes pour les circulations, des rectangles longilignes pour les ouvertures, et un triangle pour la chapelle. Celle-ci est d’ailleurs suspendue au dessus de l’entrée du couvent telle la figure de proue d’un navire, témoignant de l’inspiration navale des deux architectes pour ce projet. À l’intérieur de celle-ci, des cabochons verts en guise de hublots donnent un bref aperçu de la ville. Et pour aller plus loin dans l’analogie navale, les coursives intérieures rappellent les différents ponts d’un navire, tandis que des passerelles en bois mènent aux chambres de résidentes. 

Pour finir, à l’abris des murs du couvent, entouré du béton des façades et des tôles métalliques perforées posées au sol, se révèle un jardin aussi généreux que luxuriant. Véritable antithèse du projet, sa force tient de son opposition à l’austérité du couvent précédemment évoquée. De cette confrontation entre la rigueur de l’architecture et l’abondance de la nature naît un lieu d’une grande sérénité, protégé du tumulte de la ville bien qu’au coeur de celle-ci.

 

Lire aussi